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Intervention de François Gaudel lors des funérailles de Pierre, le 2 juin 2023
Chers amis,
Pierre est parti beaucoup trop tôt, nous laissant tous dans la peine.
Mais avec la force et les convictions profondes qui l’habitaient, son dynamisme exceptionnel, il a creusé profondément là où on ne l’attendait pas, et fait germer des idées et des pratiques qui aujourd’hui poussent avec une belle énergie.
Une première image qui me vient c’est celle du travail forcené qu’il effectuait dans les années 90 pour mettre en forme les comptes-rendus des premiers Congrès MATh.en.JEANS, et susciter simultanément plein de projets : Universités d’été, participation aux premières fêtes de la sciences, préparation des congrès etc. pour lesquels il savait nous mobiliser, plus étonnant : exposition de travaux d’élèves et animations hebdomadaires par eux-mêmes au Palais de la Découverte.
Pour ne parler que de MATh.en.JEANS, c’est d’abord une attitude pratique à l’égard des sciences et de l’enseignement qui dès le départ tranche avec le ronron des dogmes et de la respectabilité. Joëlle qui l’a connu à ses débuts dès 1982, témoigne qu’avant même le premier atelier initié avec son collègue René Veillet et le chercheur Pierre Duchet en 1989, c’était un projet par an ! Répondant à un besoin implicite, le projet MATh.en.JEANS a fédéré des enseignants, des chercheurs, voire même des non mathématiciens (Line, Pierre Richard et d’autres) pour former un groupe d’authentiques amis qui a fait mieux que traverser les décennies. Il faut remercier Pierre de nous avoir permis de vivre cela.
Mettre les enseignants en position de pousser les élèves à chercher par eux-mêmes et de façon collective, dans une attitude bienveillante, égalitaire et néanmoins rigoureuse, c’était et c’est toujours une nécessité, la base nécessaire à une vraie transmission sans laquelle il n’y a pas d’humanité. Les deux Pierre l’ont proposé dès le départ avec un protocole (jumelage, séminaires, congrès, articles) qui sans être toujours suivi à la lettre, s’est avéré le meilleur : quelle idée magnifique !
Avec MATh.en.JEANS, les chercheurs ont ouvert leur pré-carré à des adolescents et des enseignants, qui ont montré réciproquement qu’ils pouvaient s’ouvrir à une science vivante, encore en construction !
De ce fait, MATh.en.JEANS a essaimé : soit directement en ouvrant des portes et en aidant comme c’est le cas pour Science Ouverte, soit en inspirant des expériences proches dans d’autres domaines scientifiques. Il a été présent dès le début dans des lieux où la culture scientifique était peut-être moins présente, tels que les quartiers les plus défavorisés, et c’est resté une de ses vocations essentielles.
MATh.en.JEANS a vécu des moments merveilleux : d’engueulade lors de CAs interminables (Pierre y était pour quelque chose), d’émotion et de fête, parfois d’épuisement des organisateurs lors des congrès, de découverte dès les premières universités d’été (années 90), puis de leur reprise. Nous y avons découvert et continuons à découvrir de nombreux lieux où l’on fait les sciences, et où l’on forme les futurs scientifiques.
Aujourd’hui l’aventure se poursuit à une échelle qu’on souhaitait sans penser l’atteindre, grâce à ceux qui ont pris la relève. Une échelle encore insuffisante pourtant, que ce soit à l’échelle du pays, où d’un ailleurs qui ne l’a jamais lâché pour des raisons que chacun connaît.
Pierre était une personne entière, remarquable, toujours prêt à aller de l’avant, à la fois intransigeant et bienveillant, capable de s’emporter, et de sourire la minute d’après, plein de respect et d’ironie ! MATh.en.JEANS peut être fier d’avoir été cofondé par une personne telle que lui, et à titre personnel, je ne suis pas le seul à être fier de l’avoir connu.
Nicolas Legatelois, le 15 juin 2023
Enseignant en Mathématiques au Lycée Français de San Francisco, j'y anime les ateliers MEJ depuis 6 ans. Je viens d'apprendre la mort de Pierre Audin dont j'ignorais l'histoire personnelle et les combats. Bien que ne l'ayant jamais cotoyé directement j'ai été très touché et ému par tous les témoignages entendus lors de ses funérailles. Je le remercie pour ces moments merveilleux, probablement les plus marquants de ma carrière, vécus lors des congrès de MEJ avec mes apprentis chercheurs. Savoir qu'un homme si admirable en soit à l'origine, me rend encore plus fier d'animer et de perpétrer les ateliers dans mon établissement. Un seul mot : MERCI !!
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